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Pourquoi ai-je cousu des masques en tissu ?

Du fait de la pandémie à Coronavirus que nous subissons et de la crise sanitaire actuelle en France concernant un manque de stock de masques et matériels de protection pour les soignants, je vous explique pourquoi, étant moi-même médecin, j’ai décidé de coudre des masques en tissu pour mes proches en vue du déconfinement.

Cet article n’a pas pour objectif de vous inciter à en coudre vous-même mais à vous faire votre propre avis sur le sujet qui fait débat  et de vous informer. De même il n’aurait pas lieu d’exister si nous n’étions nous-même (personnel soignant) pas à cours de matériel de protection…

Aussi cet article est-il écrit à un instant T et sera probablement obsolète dans les jours, mois à venir en fonction de l’évolution de la situation. 

Quelques rappels

Le type  transmission du coronavirus (COVID 19) (OMS)(1):

Le COVID 19 se transmet par des gouttelettes de gros calibre émises par une personne contaminée lors d’un effort de toux ou d’éternuement (de taille > 5µm). Ces dernières retombent rapidement dans un cercle d’un mètre environ ou par dépôts / contacts (sur une clenche de porte .).  Il existe également une transmission aérienne sous forme de très fines gouttelettes dont le diamètre est inférieur à 5µm lors de l’émission de sécrétions bronchiques et qui peuvent être expulsées à plus d’ 1 m de la personne contaminée.

 

 

 

 

 

 

 

Les différents masques existants (2)

– Le masque chirurgical= masque anti-projection :  évite lors de l’expiration de celui qui le porte la projection de sécrétions des voies aériennes supérieures ou de salive pouvant contenir des agents infectieux transmissibles par voie gouttelette ou aéroportée.Il existe différentes classes en fonction de leur degré de filtration (Type I: 95% ou Type II : 98% de filtration des bactéries) et de résistance (normaux ou type R). Usage unique. Durée de vie 3-4H ou à changer dès que humide.

– Le masque FFP2 dit « canard » ou masque de protection respiratoire  individuelle = c’est un masque filtrant qui protège le porteur contre le risque d’inhalation  d’agents infectieux transmissibles et  diminue également le risque de transmission de gouttelettes. Il est réservé aux soignants ayant une exposition très importante aux virus : les réanimateurs lors de l’intubation, les kinés qui font de la kiné respiratoires, les biologistes lors des prélèvements. Usage unique.  Durée utilisation 3-6h ou à changer si humide

Le masque FFP3 (filtration plus importante et fuites moindres)

Mais que sont les masques dits
« alternatifs » ou « grands publics »?

Le masque « alternatif » correspond à un masque de création « artisanale » (en tissu ou autre matière). Ici je parlerai de ceux en tissu.

Ces masques n’ont en aucun cas pour vocation de remplacer les masques chirurgicaux ni FFP2. Ces derniers étant pour le moment réservés pour le personnel soignant ++ et je remercie par ailleurs toutes les personnes ayant fait dons de leurs masques chirurgicaux ou FFP2 aux professionnels de santé!

Pourquoi porter un masque
« alternatif » ?

Ils ont, à mon sens,  un intérêt pour la population générale et notamment lors de la période de déconfinement qui s’annonce ( phase 4) : ce n’est pas parce que nous sommes déconfinés que le virus n’existe plus ! L’ordre des pharmaciens a d’ailleurs demandé aux autorités sanitaires de pouvoir mettre à disposition ces masques pour la population.(3)

En effet dans des pays où le port du masque chirurgical est obligatoire ou généralisé, associé à un dépistage massif de la population, comme c’est le cas en Corée du Sud, il y a un nombre observé de cas contaminés et de décès largement inférieur à ce que nous connaissons en Europe. 

Cependant il est difficile de dire si :

          •  est- ce le port du masque généralisé +- les mesures barrières respectées ou
          •   le dépistage massif ou 
          •  l’association de toutes ces mesures qui permet un meilleur contrôle de l’épidémie ? 

De façon pragmatique, considérons qu’il s’agit de l’association de toutes ces mesures.

En France, le dépistage s’étend petit à petit mais prend beaucoup de temps. Aussi le dépistage massif de la population n’est pas annoncé pour demain (à l’heure où j’écris cet article).

 

 

Le port du masque dans la population aurait donc un intérêt EN PLUS de toutes les mesures barrières  (4) :

Tousser dans son coude

Mouchoir à usage unique

Pas de serrage de main

Rester à la maison

Distanciation sociale, minimum 1m50

Lavage des mains très réguliers 

Si toute personne (car beaucoup de sujets sont ASYMPTOMATIQUES= c’est-à-dire vous pouvez être porteur du virus sans en avoir les symptômes et vous sentir en parfaite santé !), en plus des gestes barrières, portait un masque dit « alternatif » (pour le moment) il y aurait une diminution de la propagation aérienne du virus.

Y a-t- il des études concernant son efficacité ?

Le  pouvoir filtrant de ce type de masque en tissu ne peut être testé à titre individuel car cela nécessiterait que chaque personne confectionnant un masque ait la possibilité de soumettre son masque à des tests.

De plus, plusieurs paramètres rentrent en jeu : 

        • la COMPOSITION du tissu
        • le TISSAGE
        • le NOMBRE DE COUCHES 
        • présence d’un FILTRE
        • les COUTURES et leurs positions
        • le NOMBRE DE LAVAGES qui peut abimer/ détendre les fibres textiles etc…

Aussi ils ne peuvent être comparés à un masque respiratoire à usage unique  et c’est bien là la source de discorde entre médecins, hygiénistes etc… 

Il est bien entendu admis que son pouvoir filtrant et nettement moindre qu’un masque chirurgical et encore moins qu’un FFP2.

Cependant si l’on compare un masque « alternatif » , ici en tissu, à « ne mettre aucun masque », alors il existe probablement un effet bénéfique sur :

        • La diminution de la propagation du virus par transmission de gouttelettes en faisant une première barrière aux gouttelettes de salive que nous émettons (ce qui va de soi ) SOUS RESERVE  que celui- ci soit bien porté et bien utilisé (nous y reviendrons). 
        • Les gestes barrières en diminuant la transmission contact : main-bouche 

NB : le CHRU de Lille a réussi à confectionner un masque en tissu lavable GARRIDOU® testé suivant la norme EN14683 (norme des masques chirurgicaux) dont nous verrons la composition dans le tutoriel du masque (5).

Quand et où porter un masque alternatif ?

Attention ! je ne dis pas qu’il faut porter un masque qu’il soit ou non « alternatif » tout le temps et dès que l’on sort de chez soi cela n’a aucun intérêt.

Par exemple : il n’y a aucun intérêt à porter un masque lors que vous baladez votre chien ou que vous marchez seul dans la rue. Pas non plus question de porter un masque lorsque vous êtes seul dans votre voiture ( qu’est-ce que ça me fait rager lorsque je vois quelqu’un seul dans sa voiture et avec un FFP2 !… Grrr ils n’ont rien compris !! ou alors ils n’ont pas été bien informés…).

Il serait donc plus intéressant de le porter dans des endroits confinés où le risque de proximité sociale est plus important

par exemple : Un hypermarché un peu trop bondé, une pharmacie ou autre commerce, un transport public, votre travail si vous êtes plusieurs ou face à face.. ( de même si vous avez la chance d’être tout seul dans l’hypermarché pas non plus d’intêret mais même en cette période de confinement, c’est très très rarement le cas..).

Je le répète ces masques « alternatifs » (hormis celui confectionné par le CHRU de Lille) ne sont  pas à utiliser si vous travaillez au contact de personnes malades car sont beaucoup moins efficaces qu’un masque chirurgical.  D’ailleurs je ne m’y risquerais pas.

Utilisation du masque

Comme pour tout masque ( que ce soit en tissu, chirurgical ou FFP2),  il ne suffit pas d’en avoir un pour être protégé, il faut aussi savoir bien l’utiliser et bien le porter. 

        • La manipulation du masque ne doit se faire que par les élastiques lors de la pose et de l’enlèvement de celui-ci.
        • Il doit être porté 3h maximum (voire moins) et changé dès qu’il est humide.
        • Il doit couvrir la bouche et le nez (je vois beaucoup de personnes le porter sous le nez…).
        • Une fois que vous le portez il ne faut pas le toucher ni le baisser sous le menton pour parler ou respirer ( d’ où l’intérêt de ne pas faire un  masque avec un tissu imperméable ou au tissage trop serré sinon impossible de respirer…^^).
        • Le lavage doit se faire à 60° pendant 30 minutes minimum (6) – maximum 5 cycles – ajout SANYTOL désinfectant dans le bac lessive. Il n’existe pas d’études sur la diminution de l’efficacité en fonction du nombre de lavage. Cependant plusieurs cycles à 60° risque de léser les fibres textiles.
        • Un masque « alternatif »= une personne = nominatif. On n’échange pas ! encore moins s’il a été utilisé juste avant !
        • Contre -indiqué chez les enfants de moins de 2 ans !

 

 

 

Après ce speech concernant le pourquoi du comment de ces masques, je poursuis sur la réalisation, en espérant ne pas vous avoir perdu dans mes explications !

Bibliographie

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